Je me suis enfermée depuis longtemps, dans un monde, mon monde. Je m'y suis construit mes rêves, mes buts à atteindre, mes plaisirs et mes dégouts, mes envies et mes phobies.

Je me suis crée ma propre solitude, coupant les ponts avec de plus en plus de personnes, fuyant les gens susceptibles de m'apprivoiser.

De ma vie passée, j'ai gardé mon métier, ma douleur et mes souvenirs.

Mon métier, j'en parlerai des heures, je l'aime, sans bémol. Je crois que j'ai la chance d'avoir le métier le plus agréable au monde.

Ma douleur, j'essaie de la terrer au plus profond de moi. Car, j'ai essayé de la faire disparaitre, en vain. Alors je vis avec, j'essaie de la faire taire, de ne pas la réveiller. J'évite, je m'évite. Je n'ai pas envie d'en parler, parce que c'est lui faire trop d'honneur, c'est faire remonter à la surface des blessures purulantes. Aussi, parce que je sais ce qu'on va me dire. Parce qu'on l'a trop dit, mais que les solutions qu'on me propose ne me vont pas, ne me correspondent pas, que j'ai envie d'en finir avec tout ça, sans pour autant secouer la planète. Juste trouver la paix en moi, mais ne surtout pas régler mes comptes avec le passé.

Mes souvenirs, j'essaie d'en garder les meilleurs, les plus doux. Ceux qui me font sourire, qui donnent un sens à ma vie, à ma personnalité. Bien sur, les pires persistent, me réveillent la nuit, m'envahissent régulièrement me réduisant à l'état d'animal. Mais, je ne parle que des bons, parce qu'ils sont nombreux, que je n'ai pas eu une vie de misère, que si par certains cotés je n'ai pas été vernie, par d'autres ma vie doit être enviable aux yeux des trois quarts de la planète. Que ce qui me fait souffrir en feraient surement sourire plus d'un. Que je ne veux pas faire ma psychanalyse, que je ne veux pas savoir pourquoi je suis comme ça et pas autrement. Parce que, je suis bien avec moi même, j'accepte d'être comme ça, même si parfois je hais la vie, même si parfois je voudrais en finir. Je sais que je n'ai pas choisi mes mauvais souvenirs, mais aujourd'hui j'ai le choix, de ne pas les mettre en valeur, de ne pas en faire le centre de ma vie.

Peu m'importe de savoir si en faisant ci ou ça, je serai soulagée, peu m'importe de savoir que telle personne a vécu la même chose que moi et a trouvé le bonheur au bout. Je suis heureuse pour elle, mais je n'ai pas nécessairement envie du même bonheur qu'elle, et surtout je n'ai pas forcément envie d'emprunter le même chemin pour y parvenir.

On a tous des blessures, on a tous des petites choses, là, qui font mal. Mais si on était tous parfaitement heureux, sans problème, la vie serait surement moins colorée.

Je suis une personne très gaie en classe, très triste en dehors. Ma salle de classe est colorée, chaleureuse, enfantine, mon chez moi est très sombre, sobre, un peu morbide par endroit. Mais je suis comme ça, je me sens bien dans ma classe, et bien chez moi. J'ai pris le parti d'accepter d'être comme je suis, c'est à dire quelqu'un rit, qui pleure, qui construit et détruit, qui donne mais n'attend rien en retour.

J'ai parfois envie de parler, mais pas de me confier. Envie juste de poser quelques mots sans conséquences, juste pour raconter, pas pour être comprise, pour être conseillée. Pouvoir dire "ça, ça me fait mal" sans qu'on dise " fais ça et tu n'auras plus mal".

Peut être que finalement, j'aime ce que la douleur a fait de moi...