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La désaxée
Passé
Je pensais ne jamais les revoir. Ni lui, ni elle. J'espérais d'ailleurs qu'ils n'auraient jamais le culot de venir, qu'ils auraient compris que les excuses n'effacent pas l'impardonnable.

Je suis partie il y a quelques années, la tête haute, retournée certes, mais haute. J'avais sur le coeur quelque chose de lourd, de douleureux, de nauséabond. Je pensais que la fuite était la seule issue possible, que l'affrontement ne me mènerait à rien, n'effacerait rien, et que me perdre serait sûrement la plus grande punition que je pouvais leur infliger.

Je suis partie assez loin, avec rien, juste les vêtements que je portais, quelques papiers importants, c'est tout.

Ca n'a pas été simple, être seule au monde a des avantages, mais ça a surtout une tonne d'inconvenients, ça donne à la vie un air de parcours du combattant.

Alors, je me suis battue, j'ai construit, ça n'allait pas, alors j'ai détruit pour reconstruire, jusqu'au moment où j'ai estimé que si ce n'était pas la vie dont j'avais rêvé, ce n'était tout de même pas celle dont j'avais cauchemardé.

Je commençais à être bien, moins de crises d'angoisse, moins d'envies de néant, je commençais à entrevoir un semblant d'équilibre. Je pensais même par moment, que je n'étais pas à plaindre, que le meilleur restait à vivre, et qu'il me fallait m'estimer heureuse de m'en être si bien sortie, que le destin m'avait donné plusieurs coups de pouces, comme pour se faire pardonner des coups bas passés.

Et hier, ils étaient là, plantés devant moi, l'air ému. Dans ses yeux bleus clairs, où j'ai cherché tant de réponses, tant de fois, où je n'ai jamais rien trouvé que de la démission, de la résignation, je pouvais lire un mélange de peur, de joie et d'interrogation. Elle a beaucoup changé, vieilli. Des mèches blanches parsemées dans ses cheveux noirs, des traits marqués, un visage éprouvé. Elle était tremblante... comme à son habitude. Même là, elle ne savait pas quoi me dire, elle me regardait étrangement. Elle me connait si peu finalement.

Lui, incapable de gérer ses émotions, comme par le passé, laissait perler des larmes de ses yeux noirs. De grandes cernes bleues pouvaient laisser penser que ses dernières années ne furent pas simples pour lui. Son visage n'a pas beaucoup changé, toujours les mêmes traits durs, les mêmes lèvres serrées, comme si une douleur le tenaillait en permanence. Il me regardait du haut de ses 1 m90, attendant très sûrement une parole de ma part, un geste, une réaction. Comme un enfant à qui on a confisqué son jouet préféré, parce qu'il a fait une énorme bêtise, et qui attend qu'on le lui redonne, qu'on le pardonne.

Mais, je ne pouvais pas. Je suis restée figée, rien ne me venait, si ce n'est une tempète de souvenirs, de douleurs, de pleurs. Incapable de faire un pas, dans un sens où un autre, incapable de savoir si je devais être heureuse, ou colère, partagée entre cet amour que j'avais pour eux malgré tout, cette reconnaissance envers eux, qui bien souvent m'avait réduite au silence quand j'aurai voulu hurler, et la rancoeur, la colère que j'éprouvais, l'écoeurement aussi.

Il m'a aidée à choisir. La voix tremblante, les larmes coulant à flot, il m'a laché un " pourquoi tu es partie ? comment on peut faire ça à ses parents, qu'avons nous fait pour mériter ça ?".

Mon coeur s'est serré, non pas de peine ou de regret, mais de colère. Comment a t'il pu avoir le culot de me faire des reproches, de jouer l'incompréhension ? N'a t'il décidement pas compris qu'il m'a fait le pire qu'on puisse faire à sa propre fille ? Qu'il m'a brisé tant à l'intérieur qu'à l'extérieur et que j'en garderai des marques à vie ? Est ce que pour lui, les années ont suffit à effacer, à passer l'éponge ? Et elle ? pourquoi est elle là aussi ? Pense t'elle qu'aujourd'hui je me dirai qu'elle n'y est pour rien ? Elle n'a pas compris que son silence complice m'a fait autant de mal que le reste ? Que j'aurai aimé qu'une fois, une seule, elle me défende, elle protège son enfant ? Qu'elle est la force de fuir, pour elle, pour moi ?

Pensent ils obtenir de moi un quelconque pardon alors qu'ils ne semblent pas avoir l'ombre d'un remord ?

J'ai tourné les talons, et je suis partie, sans me retourner, nauséeuse, à la limite de l'évanouissement.

Un doute quand même dans mon coeur. J'aurai aimé qu'ils fassent autrement. J'aurai aimé qu'ils soient désolés de ce qu'ils ont fait et non pas de mon départ. J'aurai aimé pouvoir pleurer dans les bras de mon père, et dire à ma mère combien je les avais aimés et combien je les aime toujours. Parce que j'ai grandi dans l'idée que c'était mes parents, et qu'ils ne pouvaient être parfaits. Parce que si je leur en veux pour certaines choses, je les aime pour tout le reste. Parce que j'ai mal de les aimer malgré tout, mal de leur en vouloir malgré l'amour. Parce que ce sont mes parents, et que j'en aurai pas d'autres.
Ecrit par Romane, le Samedi 17 Janvier 2004, 23:12 dans la rubrique "L'équilibre".


Commentaires :

  funambule
funambule
17-01-04
à 23:56

Pas grand chose à dire ..hélas...
Peut être l'envie qu'ils lisent ce texte...
         Je ne sais pas, me sens si..impuissant face à ta peine
                    Je t'embrasse      
                                            Olivier

  Romane
Romane
18-01-04
à 00:17

Re:

La peine, la déception et la colère... mais il n'y a rien à faire, à dire. Juste laisser le temps, encore une fois, faire son oeuvre.

Bises

  Gamin
Gamin
18-01-04
à 00:48

Re: Re:

Si tu ne te sens pas le courage de leur dire la vérité en face, fais-leur lire ce que tu viens d'écrire...

Mais, dans tout les cas, on ne choisit pas sa famille, hélas... Laisser le temps au temps, oui, comme tu dis...

Tu as pris de toute manière la bonne solution... Courage, Romane...

Bisous


  Romane
Romane
18-01-04
à 22:18

Re:

Je leur ai déjà dit, et c'est d'ailleurs les mêmes raisons qui m'ont fait partir autrefois que celles qui m'ont faite tourner les talons avant-hier. Je ne sais pas si je fais bien ou mal, si je le regretterai un jour ou non, je fais surtout comme je peux, ce que je peux, même si ce n'est sûrement pas assez.

  LaMuche
LaMuche
18-01-04
à 09:23

juste un passage silencieux ... mais un passage.

  Romane
Romane
18-01-04
à 22:19

Re:

On dit que le silence est d'or... ;)